Mort du Capitaine Gendry 72e RI. Témoignage.
Paul Hofinger est soldat dans la 11e compagnie (3e bataillon du 72e RI) il a survecu à 4 ans de guerre après avoir été blessé grièvement le 5 mars 1915 au cours des combats en Champagne.
Durant sa campagne militaire, il a consigné dans un précieux carnet ses mémoires de guerre qu'il réécrira après 1918 avec plus de détails, à la date du 22 septembre 1914 il décrit les circonstances de la mort du Capitaine Lucien Gendry, commandant du 3e bataillon au 72e RI.
Le 22 septembre 1914, le 72e RI se bat toujours en fôret d'Argonne, les bataillons du régiment font face à Servon, ferme La Noue et Binarville. Le Capitaine Lucien Gendry resiste péniblement avec les hommes du 3e Bataillon face aux attaques provenant de Binarville, il est tué au cours de la journée ... témoignage:
" Une attaque des allemands réussit, Ils pénètrent dans le bois et nous tirent par derrière. Les camarades tombent. Je fais prévenir le Capitaine Gendry, qui a été plutôt notre père à tous ; il part le premier en tête avec nous à la rencontre de l’ennemi. Un Allemand le tue net d’une balle en plein coeur ; Je salue ici, ce vaillant officier que nous avons tous pleuré, et qui a été d’un courage à toute épreuve depuis le début. Nous rejetons les Allemands, qui ne peuvent pas voir les baïonnettes, et nous reprenons nos trous. Le corps du Capitaine est là, en vue des Allemands. Tant pis, il ne faut pas abandonner son corps. Au risque de nous faire tuer (d’ailleurs à ce moment, c’eut été notre plus grand bonheur tant nous avons souffert) nous allons chercher son corps ; on nous tire dessus, personne n’est touché. Il s’agit de ramener le corps de notre chef ; et le plus dur est de l’amener sous bois, et nous y arrivons sans que l’un de nous soit tombé sous les balles allemandes. Nous construisons un brancard avec des branchages, et à 4 nous emportons la dépouille de notre capitaine. Là, nous nous enfonçons dans la boue jusqu’au genou avec ce poids sur les épaules et nous passons 2 heures ! à traverser ce bois maudit. Nous déposons notre précieux fardeau et nous sommes tombés de fatigue et d’inanition ; nous avons passé la nuit là, au milieu de la forêt, grelottant, déterrant des croûtes de pain. Affreux souvenir. Malgré notre courage et notre volonté nous n’attendions qu’une chose : la mort."
Capitaine Lucien Gendry (1886 -1914)
Le Capitaine Lucien Gendry de la 11e compagnie a été inhumé le 23 septembre 1914 dans un petit enclos attenant à la chapelle de La Harazée.