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72èmeRI
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20 septembre 2022

Soldat Marcel Chassat 72e RI

Marcel Chassat est né le 15 mars 1894 à Paris 4e Arr. Il exerce la profession de dessinateur. De la classe 1914, il est incorporé au 8e régiment de chasseurs le 4 septembre 1914.

Passe le 16 septembre 1914 au 3e Régiment de Hussards.

Incorpore le 72e RI le 8 octobre 1914.

Part au front le 10 novembre 1914 et incorpore la 2e compagnie du 1er bataillon au 72e RI.

Noté comme disparu présumé blessé au cours des combats du 23 avril 1915 aux Eparges (55).

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Chassat Marcel 72e RI 23

Sépulture inconnue

Le 10 février 1915, Marcel Chassat consigne sur papier ses premiers jours de mobilisiation et de guerre

Extrait du carnet de Marcel Chassat 72e RI. Ces notes ont été écrites sur papier lettre, à l’encre noir le 10 février 1915 alors que Marcel Chassat était à Paris en convalescence.

Marcel Chassat (classe 1914) 72ème régiment d’infanterie A Paris, je reçois mon ordre d’appel le 2 septembre 1914 qui m’ordonne de partir « immédiatement et sans délais » au 8ème régiment de chasseur à cheval à Orléans. J’y arrive le lendemain mais n’y reste que quinze jours car je suis reversé au 3ème régiment de Hussard à Saumur. Mes classes à pied et à cheval se poursuivent très activement et je crois que nous ne tarderons pas à aller rejoindre les camarades sur le front. A la fin octobre on nous annonce que les bleus du 3ème Hussard sont reversés en partie dans les infirmiers ; sur la proposition qui m’est faites. Je peux si je veux aller dans une section d’infirmiers dans un hôpital de Nantes. Seulement mon tempérament préfère le fusil à la seringue et je demande à aller dans les lignes. Ex chasseur puis ex hussard (mais pas de la mort) je pars à Morlaix au 72e RI. Mes classes n’ont pas été longues car le 10 novembre je pars au front.

Après un voyage très long, j’arrive avec 800 camarades à Ste Ménéhould en pleine nuit. La ville est abandonnée par les habitants et le canon tonne sourdement. Après avoir passé la nuit dans une grange, nous partons le lendemain matin vers la foret de l’Argonne. Nous y faisons une marche très pénible avec de la boue jusqu’au milieu des jambes. Nous faisons la grande halte près du Four de Paris où nous y entendons la fusillade qui crépite ferme et sans répit. Les obus et les marmites boches tombent autour de nous. Nous repartons en pleine nuit et nous arrivons exténués de fatigue à Moiremont. Nous ne sommes plus que 200 car nous avons perdu le restant de notre troupe. Nous passons la nuit à Moiremont dans les granges. Le lendemain matin notre troupe se reforme et nous partons de Moiremont pour Naviaux (orthographe incertaine) une ferme à moitié démolie par les obus. Je loge dans un pressoir dont le toit défoncé nous laisse entrevoir le ciel. Il pleut et il fait froid. Les taubes volent au dessus de nous et nous les chassons à coup de fusils Certains jours j’assiste même à une belle lutte entre aéros Français et Allemands. Les Français triomphent à chaque fois. Au bout de quelques jours nous repartons rejoindre le régiment qui est sorti des tranchées. Nous passons à Vienne la ville en partie détruite par le bombardement et nous arrivons à la Renarde où se trouve le régiment. La Renarde est une ferme journellement bombardée et j’y vois pas mal de tombes d’officiers et de soldats français. Le soir je suis de garde dans une tranchée de seconde ligne, il fait très froid et les obus passent sans interruption au dessus de nos têtes et vont éclater avec un fracas infernal. Le lendemain nous repartons aux tranchées de 1ère ligne. Il fait nuit noire, nous passons à Viennes le Château au milieu des ruines puis à La Harazée dont il ne reste plus que quelques maisons. Avec les plus grandes précautions nous passons, quelques camarades ont été blessés. Nous abordons la foret de l’Argonne pour rejoindre nos tranchées qui se trouvent dans le bois de la Gruerie (de la tuerie ! plûtot...).

Après une marche des plus pénibles nous arrivons dans les tranchées qui se trouvent à cent mètres des boches, nous y rencontrons une garde des plus sévères, c’est le fusil qui prend toutes les conversations avec les « voisins d’en face ». Le lendemain midi, attaque des allemands. La fusillade, les bombes, les pétards, les obus se mettent de la partie. Nous restons maître de la tranchée. Dans l’attaque bien des camarades sont tombés ... . Le surlendemain nouvelle attaque, une bombe démolie encore une fois notre abri, une fusillade infernale crépite. Une autre bombe tombe parmi nous. Trois camarades sont blessés près de moi, je suis moi-même recouvert de terre et de débris de toutes sortes. Mais je ne suis pas blessé. Seule ma montre attachée à mon poignet a souffert. Ce n’est rien... La nuit suivante re attaque et re démolition de notre tranchée, mon fusil est cassé en deux près de moi. Nous restons dans cette tranchée durant 10 jours et nous avons eu à y soutenir parfois de violentes bagarres. Le mardi 1er décembre, nous sommes relevés pour aller en repos dans les tranchées de seconde ligne. Les obus et les percutants y tombent comme la grêle et l’un d’eux tombant à moins de 10 mètres de moi me couvre de terre et de souffre. Je me relève les vêtements couleur citron ! ... . Dans la nuit du 1er au 2 décembre 1914 nous sommes obligés de partir aux tranchées de 1ère ligne pour prêter main forte au 51e RI qui vient de perdre nos tranchées. Nous nous battons toute la nuit sans pouvoir reprendre le terrain perdu. La journée du 2 se passe dans la tranquillité mais le soir ordre nous est donné de reprendre la tranchée perdue dans un assaut à la baïonnette. La bataille qui eut lieu est indescriptible, la mitraille faisait rage mais finalement nous sommes vainqueur. Seulement que de camarades qui sont tombés hélas !. Nous repartons pour tout de bon cette fois au repos. A 9h du soir nous nous remettons en route, nous sommes littéralement couvert de boue. Nous passons à La Harazée où nous voyons quelques maisons en feu. Puis nous arrivons à Moiremont à 2h du matin. Nous y prenons un repos bien gagné dans les granges. C’est jeudi 3 décembre ce jour restera pour moi une date. J’ai eu une grande joie, j’ai eu le bonheur de revoir mon frère aîné. Mon frère maréchal des logis au 2e d’artillerie lourde se trouvant à Ste Ménéhould et ayant su que mon régiment se trouvait près de là était vivement sur son cheval. Quelle joie pour deux frères de se revoir près du front. Notre courte entrevue fut faite de rires et aussi...de larmes. Nous étions tellement heureux de nous revoir. Ce fut mon plus grand plaisir pendant ma période au front. Le dimanche 6 je repartais aux tranchées, pendant 6 jours nous y faisons « travail » ordinaire sans gros incidents notables.

Dans la nuit du vendredi 11 au samedi 12 décembre, nous arrivons au repos à Chaudefontaine. On m’y avait emmené en voiture car j’étais malade, mes pieds étaient gelés j’avais une forte bronchite et j’avais aussi une forte fièvre. C’est ce qui me fit évacuer sur Ste Ménéhould puis à l’hôpital de Troyes où j’ai été admirablement soigné. Puis je suis parti dans le midi pour reprendre des forces nouvelles et c’est à la Loubière près Toulon que je suis venu. Je me souviendrai toute ma vie de mon passage à la Loubière et du dévouement des dames de la croix rouge qui nous soignaient. J’ai compris que la France était grande belle et bonne et j’ai vu qu’elle ne pourrait être que victorieuse de la sauvage Allemagne qui l’avait attaquée si lâchement. Maintenant je suis guéri et je vais repartir avec joie retrouver mes camarades sur la ligne de feu...face aux boches !... .

Marcel Chassat. A Paris le 10 février 1915.

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  • Petit historique du 72ème RI d'Amiens dans lequel mon arrière grand père fut incorporé entre 1914 et 1916, date de sa 3ème grave blessure. itinéraire du régiment, photos, cartes des combats et témoignages.
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